En pharmacologie, la découverte de nouveaux médicaments et la connaissance des spécificités de chaque mécanisme d'action ont permis de proposer des traitements plus adaptés et plus efficaces. Au niveau clinique, la connaissance des bienfaits et des conséquences indésirables de certains médicaments a permis de réduire les effets toxiques et de diminuer les risques. L’efficacité et la sécurité sont, en effet, des critères fondamentaux pour optimiser une intervention pharmacothérapeutique visant à protéger la santé de la personne. Malgré cela, plusieurs médicaments peuvent présenter des caractéristiques pouvant entraîner des effets secondaires indésirables parfois dû à la durée du traitement ou à des doses élevées. Ainsi, il est possible d'avoir des effets secondaires impactant notre système auditif se traduisant par des manifestations cliniques telles que des acouphènes, une baisse de l’audition, une sensation d’instabilité et des vertiges.
L’ototoxicité désigne l’ensemble des effets secondaires et indésirables de certains médicaments dans le domaine de l’oto-audiologie. La prise de ces médicaments peut entraîner des lésions du système auditif et du système de l’équilibre qui peuvent survenir pendant et après le traitement médicamenteux et qui peuvent être temporaires ou permanentes. L’ampleur des dommages causés au système auditif est variable et dépend souvent de la dose totale absorbée, de la fréquence d’administration et des voies d’administration. Les personnes âgées et les adultes constituent la tranche d’âge la plus touchée par l’action ototoxique des médicaments. En effet, les tableaux d’altération de la fonction hépatique ou rénale qui peuvent être présents dans la population âgée entraînent une élimination insuffisante des principes actifs pharmacologiques qui, de ce fait, ont une plus grande capacité à exercer leurs actions toxiques sur les structures de l’oreille. Les effets secondaires peuvent être renforcés par la prise simultanée d’autres médicaments ototoxiques ou par une prédisposition familiale à la baisse de l’audition. La diminution de la capacité auditive étant généralement déjà présente chez les personnes âgées, les dommages qui en découlent sont par conséquent plus importants.
Dans tous ces cas, une évaluation médicale du rapport bénéfice/risque de la prise de ce type de médicament est nécessaire pour déterminer s’il est possible d’utiliser d’autres médicaments ou thérapies. Cependant, en raison de la variabilité indéfinissable de la réponse aux médicaments et de leur dosage, il est impossible d’évaluer a priori la susceptibilité individuelle aux lésions auditives causées par les substances pharmacologiques.
Les médicaments de chimiothérapie anticancéreuse dérivés du platine (cisplatine, carpoblatine, oxaliplatine) sont ototoxiques et peuvent provoquer une hypoacousie neurosensorielle bilatérale, irréversible et dose-dépendante. Le risque d’hypoacousie chez les patients traités au cisplatine varie considérablement et dépend probablement aussi de la prédisposition individuelle. Les symptômes peuvent apparaître pendant le traitement ou des mois après son arrêt. L’hypoacousie qu’ils provoquent se manifeste généralement dans les deux oreilles (hypoacousie neurosensorielle bilatérale) et peut malheureusement dégénérer au point de provoquer une perte totale de l’audition. Ce risque augmente proportionnellement en présence des conditions suivantes : posologie élevée du médicament, jeune âge, exposition à des bruits forts et prédisposition génétique.
Le neuroépithélium de l’oreille interne est particulièrement sensible à l’action toxique de certains antibiotiques aminoglycosides (dihydrostreptomycine, néomycine, kanamycine, gentamicine, streptomycine), macrolides (par exemple érythromycine, roxithromycine, azithromycine) et glycopeptides (par exemple vancomycine). Chaque catégorie de médicaments appartenant à ces classes a des effets indésirables variés sur l’audition. Par exemple, la streptomycine provoque des vertiges temporaires, mais aussi une perte sévère de la sensibilité vestibulaire, la néomycine peut engendrer une surdité, et la gentamicine peut occasionner des pertes d’équilibre. Comme pour les médicaments anticancéreux, le risque d’ototoxicité augmente en fonction d’autres variables, comme la posologie, la fréquence d’utilisation et la présence de problèmes d’audition préexistants.
Plusieurs types de médicaments, en plus de ceux qui viennent d’être décrits, peuvent provoquer des acouphènes. Les acouphènes sont une sensation sonore gênante présente dans une ou deux oreilles sous la forme de tintement, de sifflement, de bourdonnement, etc. Il s’agit des médicaments suivants :
La prise de ces médicaments peut induire une réduction de l’audition associée à des acouphènes, qui disparaît généralement après 72 heures maximum et ne provoque que très rarement des effets permanents. L'aspirine appartient par exemple à cette classe de médicaments.
Il s’agit d’une catégorie particulière de diurétiques, utilisée pour traiter l’hypertension et les œdèmes. Ils peuvent provoquer une perte d’audition réversible, dont les effets peuvent toutefois être plus graves en cas d’association avec d’autres médicaments ototoxiques.
Les personnes souffrant d’hypoacousie doivent être vigilantes avant de prendre un médicament ototoxique. Tout d’abord, le médecin prescripteur doit être informé de tout problème d’audition préexistant afin de pouvoir évaluer la possibilité de choisir un autre traitement. Si cette solution n’est pas envisageable, le médecin évaluera la posologie adéquate du médicament à administrer et gardera le patient sous contrôle pendant toute la durée du traitement. Il peut aussi s’avérer utile d’effectuer un test auditif avant le début du traitement, afin de pouvoir évaluer objectivement la capacité auditive et la surveiller pendant la prise du médicament.
Outre les médicaments, d’autres substances insoupçonnées que nous consommons chaque jour peuvent avoir un effet ototoxique en cas de prise excessive. Les principales substances ototoxiques sont :
Le diagnostic d’ototoxicose repose sur la preuve de la prise de médicaments ototoxiques et sur l’examen audiométrique tonal, qui montre, au début, une chute bilatérale symétrique dans les hautes fréquences. Par la suite, les fréquences moyennes peuvent être impliquées. L’aspect audiométrique peut varier et il n’est pas rare d’avoir une représentation en « corde molle » du graphique audiométrique. Dans ce cas, les fréquences concernées par la lésion sont les fréquences centrales, avec une préservation des fréquences basses et hautes. Lors de la prise de médicaments particulièrement ototoxiques, il serait donc opportun d’effectuer des examens audiométriques afin de vérifier la fonction auditive même dans les mois qui suivent l’arrêt du traitement.