Le tennis, sport historiquement pratiqué par la bourgeoisie, où sportifs et spectateurs sont tirés à quatre épingles a pourtant fait des cris et grognements une religion. Si pour tous les amoureux de ce sport son univers sonore est riche et réconfortant (frappes des balles, glissades sur terre battue, résonance, gémissements…), d’autres se demandent : pourquoi diable les joueuses et joueurs de tennis crient-ils si fort ?
Si la jeune génération des amateurs de balles jaunes nommerait peut-être Maria Sharapova comme la reine mère des crieuses (son cri a été enregistré à 101 dB, soit seulement 9 dB de moins qu’une scie circulaire), il n’en est rien. Selon de nombreux journalistes sportifs, c’est l’américaine Vicky Palmer qui devrait arborer cette couronne, puisqu’elle a ouvert en 1960 le bal des crieurs et crieuses avec un léger grognement qui lui a malgré tout valu le surnom « grunter », « la grogneuse ». Rapidement succédée par de nombreux joueurs et joueuses, elle a été définitivement surclassée – gutturalement et tennistiquement – par la yougoslave Monica Seles dans les années 90. Chez les hommes, quand il s’agit de hurlements, on cite volontiers Jimmy Connors, André Agassi et Rafael Nadal.
Pourtant, nombreux sont les exemples de plaintes déposées aux arbitres en plein match de Grand Chelem pour cause de gêne à cause d’un ou d’une adversaire trop bruyante. La problématique a été posée à de nombreuses reprises : les sportifs trop criards devraient-ils être sanctionnés ? Comme à tout questionnement la science peut apporter une réponse, de nombreuses études se sont donc penchées sur les causes et les conséquences de ce comportement.
De ces nombreuses études anglaises, américaines, canadiennes ou encore allemandes est ressortie l’explication la plus logique : crier permet aux joueurs et joueuses de tennis d’être plus performants dans l’effort. Accompagner une frappe d’un cri permettrait d’augmenter sa puissance de 4 à 6 %. L’effort étant particulièrement soutenu au tennis avec des frappes rapprochées, nombreuses et répétées, il est logique que le cri se fasse plus présent que pour une haltérophile ou un lanceur de poids par exemple. Mais la mécanique est la même.
Si votre œil est habitué à regarder les matchs du grand champion espagnol Rafael Nadal, il aura sans doute remarqué la quantité de tics (ou TOC) qu’il exécute sur le court. Ajustement de ses vêtements, alignement de ses bouteilles, cheveux derrière les oreilles, nettoyage de la ligne de fond de court… aurait-il gagné autant de tournois du Grand Chelem sans ses petits rituels ? Et bien les cris, pour beaucoup de joueurs et joueuses, font aussi partie d’une routine globale qui leur permet d’ajuster précisément la mécanique de leurs coups. À ce stade, crier n’est plus un acte conscient, c’est un automatisme acquis au fil du temps !
Si vous suivez minutieusement les articles d’Amplifon, vous savez sûrement que l’ouïe est l’un de nos sens les plus importants. En complément de la vue qui nous permet de percevoir 80 % de notre environnement, elle nous permet de mieux appréhender la distance et la vitesse des objets et personnes qui nous entourent. Des nombreuses études évoquées précédemment il est ressorti un nouvel élément important : le cri des tennismen et tenniswomen impacte concrètement les performances sportives de leurs adversaires. Il augmente le taux d’erreurs de trajectoire de 3 à 4 % et retarde le temps de réaction de 22 à 33 millisecondes. Entendre distinctement le contact entre la balle et la raquette permet de mieux anticiper la vitesse, l’effet et la trajectoire des frappes, sans compter l’agacement que peut générer la répétition d’un cri strident.
Pour de nombreuses années encore, le tennis sera indissociable des gémissements de ses sportifs et sportives les plus redoutables. Mais parmi les irréductibles qui ont gravi les échelons en silence on peut citer Roger Federer, qui par son attitude calme, décontractée et silencieuse a même parfois donné l’impression d’être moins compétitif. Pourtant, il restera à jamais l’un des meilleurs joueurs de tennis de tous les temps !